C’est un extrait du livre “Wade, mille et une vies” de Madiambal Diagne, précisément aux pages 39 et 40, qui a récemment été remis au goût du jour par Babacar Gaye, ancien ministre et figure politique bien connue. Sur sa page Facebook, ce dernier écrit :
« Si Sonko eût été un disciple de Me Wade, la situation financière du Sénégal aurait changé. »
Derrière cette phrase lourde de sous-entendus se cache un véritable débat sur la posture présidentielle et ses effets sur l’économie d’un pays.
La leçon de Wade : valoriser pour attirer
Dans le livre, on découvre un Wade stratège, soucieux de l’image du pays. Il confie à un de ses disciples, après avoir pris les rênes du pouvoir :
« Quand on a le destin d’un pays pauvre entre ses mains, on ne doit pas dire que son pays est pauvre, sans ressources. […] C’est à toi, dirigeant, de valoriser ton pays. Cela rassure et donne confiance aux partenaires, aux bailleurs de fonds. »
Wade, économiste de formation, avait compris l’importance de la communication économique. Pour convaincre les investisseurs et partenaires internationaux, il fallait vendre un Sénégal attractif, prometteur, ambitieux. Même s’il avait trouvé une situation financière difficile, il s’est abstenu de le dire publiquement. Objectif : ne pas effrayer les bailleurs, ne pas couper les ponts du crédit international.
La méthode Sonko : rupture et vérité crue
À l’opposé, Ousmane Sonko, actuel Premier ministre, a fait le choix d’une rupture radicale, avec une parole souvent sans filtre, critiquant l’héritage économique laissé par ses prédécesseurs. Ce discours, s’il séduit une partie de la population en quête de transparence, inquiète certains acteurs économiques et refroidit parfois les investisseurs.
C’est cette approche que Babacar Gaye semble remettre en cause. En comparant Sonko à Wade, il insinue que l’excès de vérité peut nuire à la stabilité économique, surtout dans un pays qui dépend encore fortement de la coopération internationale et des financements extérieurs.
Deux époques, deux styles, un même défi
Il faut néanmoins reconnaître que les contextes sont différents. Wade arrive en 2000 dans un monde encore dominé par des institutions de Bretton Woods ouvertes au libéralisme et à la dette publique. Sonko, lui, prend les rênes dans un monde post-Covid, marqué par la guerre en Ukraine, l’inflation mondiale, une crise de la dette en Afrique, et une jeunesse sénégalaise impatiente.
Mais la question reste entière : faut-il dire toute la vérité sur l’état du pays au risque de décourager les partenaires ? Ou faut-il embellir le tableau pour garder la confiance des bailleurs ?
En politique comme en économie, la parole est un levier puissant. Wade s’en servait comme un diplomate. Sonko, comme un procureur. Le peuple, lui, jugera à l’aune des résultats.