Présidence de l’Assemblée nationale: petit précis de meurtres fratricides autour du perchoir (Par Cheikh Lamane Diop).
La Présidence de l’Assemblée nationale n’a pas toujours été un fauteuil moelleux pour ses occupants. Il a été aussi une station, sinon hantée, du moins très inconfortable pour la plupart des personnalités qui l’ont occupée ces 40 dernières années.
Le cas Aminata Touré, sous les feux de la rampe, est loin de constituer une séquence isolée dans les intrigues politiques autour de la Présidence de l’Assemblée nationale sénégalaise. Un petit coût d’œil dans le rétroviseur politicien sénégalais permet d’en avoir un clair aperçu. Habib Thiam, Daouda Sow, Macky Sall, Aminata Touré, pour ne citer que les cas les plus en vue, sont tour à tour passés à la trappe sous les coups de boutoir de leur propre famille politique.
En 1983, M. Habib Thiam, ami personnel du Président Abdou Diouf, vient d’être limogé du poste de Premier ministre,récemment supprimé à la faveur d’une réforme constitutionnelle. Le Perchoir de l’Assemblée nationale fut son point de chute.
Au bout de quelques semaines, l’ami du Président fut victime d’une pétition préconisant une réforme visant à ramener son mandat de 5 à 1 an. A la manœuvre, un certain Jean Collin, tout-puissant ministre d’État, est indexé. Abdou Diouf s’est délibérément abstenu d’interrompre le « putsch » contre son amiau nom des « principes démocratiques ». De guerre lasse, M. Thiam démissionne de la Présidence et se débarrasse en outrede son poste de député. Il est remplacé par le Dr Daouda Sow, ancien ministre de la Santé.
En décembre 1988, M. Sow fit face, à l’instar de son prédécesseur, à un nouveau complot parlementaire. Et comme lors du précédent « pronunciamiento », encore des proches de Jean Collin à la manœuvre. Daouda Sow, contraint de déguerpir, cède le fauteuil à Abdoul Aziz Ndao, mis sur orbite par le clan Collin. Le virus du Perchoir, dans une nouvelle variante, s’installe et se propage derrière le dossier du douillet fauteuil. Il réapparaît en 2007 sous la présidence d’un certain Macky Sall.
Confortablement installé avec le plébiscite de 131 députés, lenouveau Président de l’Assemblée est rattrapé par le syndrome Habib Thiam. En effet, après seulement quatre mois de présidence, il est accusé par le clan des Wade de vouloir installer une dualité au sommet de l’État, en visant une audition de Karim Wade, fils du Président de la République et tout-puissant ministre « du ciel et de la terre », par allusion à l’équivalent de quatre portefeuilles ministériels sous sa coulpe.
La procédure fut rude. Difficile fut la croisade de Doudou Wade, président du Groupe parlementaire de la majorité et initiateur de la pétition pour le départ de Macky Sall, de trouver les arguments juridiques pour l’accomplissement de la manœuvre.
L’arme non conventionnelle consistant à ramener le mandat de 5 à 1 an, sans passer par le référendum tel que prescrit par notre Charte fondamentale, fut dégainée. Refusant le fait accompli, Macky Sall qui avait conduit les troupes libérales à la victoire aux législatives, après avoir été le directeur de campagne de Me Wade à la présidentielle de 2007, démissionne du Perchoir, dans les mêmes conditions que son aîné Habib Thiam, une vingtaine d’années plus tôt. On connaît les suites de cette déconvenue qui a grandement, voire décisivement contribué à l’accession de l’actuel Chef de l’État à la magistrature suprême.
L’ex-Premier ministre Aminata Touré dite Mimi a boudé l’Hémicycle ce 12 septembre. Le choix du patron de la majorité ne s’est pas porté sur sa personne, après avoir pourtant mené les troupes de Bennoo à cette victoire à la Pyrrhus aux dernières législatives de juillet 2022.
C’est dire, à la lumière de cette rétrospective, que des intrigues, tragi-comédies et autres jeux de jojo politiciens ont toujours jalonné l’histoire de l’institution parlementaire, et impacté les illustres personnalités qui l’ont successivement dirigée, avec des fortunes diverses.
Par Cheikh Lamane Diop, journaliste