Gouvernement de Transition au Tchad: Le Général et génial Déby (Par Babacar Justin Ndiaye)
La guerre et la politique étant en fusion dans les doctrines respectives de Clausewitz et de Mao, le Général Mahamat Idriss Déby alias Kaka, militaire dès le berceau, a visiblement le culte de la stratégie extrapolable à l’infini.
Après un Dialogue national réellement poussif, grandement trainant et partiellement inclusif, le fils du défunt Maréchal épaulé par des esprits phosphorescents, a habilement joué au poker dans la formation du Gouvernement de Transition.
Le Général Mahamat Idriss Déby a déployé du génie politique en installant un Exécutif de Transition doté d’une feuille de route qui ouvre précisément la route vers un premier et propre mandat à la tête du Tchad.
Autrement dit, un mandat qui efface le péché originel d’une succession militaire et dynastique ne correspondant à aucune disposition constitutionnelle. Existe-t-il un pays où le Commandant de la Garde présidentielle enjambe le Ministre de la Défense et le CEMGA, pour occuper le fauteuil présidentiel ?
Il va sans dire que le pari d’une entreprise de légitimation ne peut être gagné que par une équipe sociologiquement diversifiée et ancrée à l’échelle du Tchad et une addition de solides compétences politiques. D’où le desserrement de l’étau du clan traditionnellement aux commandes et l’ouverture aux forces assez représentatives et assez structurées de l’échiquier tchadien.
À cet égard, les profils des membres du Gouvernement post-Dialogue national sont éloquents. Les missions sous-jacentes assignées aux uns et aux autres sont également perceptibles aux yeux des observateurs avertis.
Le Premier ministre Saleh Kebzabo qui est originaire du Sud du Tchad adossé au Nord du Cameroun, contrebalance géographiquement et politiquement l’autre célèbre fils du Sud chrétien : l’économiste Succès Masra.
Avec d’autant plus d’armes et d’atouts que le nouveau chef du Gouvernement est un vétéran qui a fait la navette entre le Parlement du Tchad et les prisons du défunt Maréchal. Donc un homme qui n’éprouve aucun complexe de culpabilité face aux jeunes et fougueux opposants ni devant les politico-militaires ayant choisi des options aussi stériles que tragiques.
L’autre personnage d’envergure du Gouvernement Saleh Kebzabo, est bien sûr le Ministre des Affaires Étrangères, Mahamat Saleh Annadif. Ancien chef de la Diplomatie du Président Idriss Déby Itno, Mahamat Saleh Annadif avait fait la prison et avait mobilisé un avocat sénégalais, avant d’atterrir à la tête de la MINUSMA au Mali puis de l’UNOWAS à Dakar.
Dans la galaxie Kaka, le rôle dévolu au Ministre Annadif est de tacler et de contrecarrer le poids et l’influence de son compatriote Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’Union Africaine (UA) et farouche adversaire d’une Transition allongée et avantageuse pour l’armée. Subsidiairement, l’ancien Patron de la MINUSMA et de l’UNOWAS (très bien introduit auprès de la Junte de Bamako) devra concrétiser la volonté du Tchad de ramener le Mali dans le G5 Sahel.
Bref, l’expérimenté Premier ministre Saleh Kebzabo et le charmant Mahamat Saleh Annadif ont la tâche ardue de « vendre » l’image d’un régime politiquement obsolète à l’intérieur du pays mais toujours utile voire précieux dans la géopolitique du Sahel.
Une obsolescence que la France a voulu ravaler ou nettoyer en marquant sa préférence pour le leader des Transformateurs, Succès Masra, dans les fonctions de Premier ministre. Ce que le fils du Maréchal a refusé sans ambages et avec courage.
Courage suicidaire ? En tout cas, le Docteur Succès Masra (ancien fonctionnaire de la BAD à Abidjan) est parrainé par le Général Clément Bollée, ex-chef de l’opération LICORNE en Côte d’Ivoire et membre éminent du lobby militaire français sur le continent. Ce qui n’augure pas de lendemains calmes ; quand on sait qu’au Tchad, c’est la France qui intrigue, installe et élimine les Présidents.
Babacar Justin NDIAYE.