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Adama Gaye : Ces faits divers qui nous indifférents.

« Les faits divers, ce sont aussi des faits qui font diversion ». Formule célèbre de Pierre Bourdieu dans essai Sur La Télévision.  « Le fait divers, poursuit-il, c’est cette sorte de denrée élémentaire, rudimentaire, de l’information qui est très importante parce qu’elle intéresse tout le monde sans tirer à conséquences et qu’elle prend du temps, du temps qui pourrait être employé à dire autre chose. »

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Pierre Bourdieu a fait beaucoup d’émules, puisque ce que l’on appelle le fait-divers est devenu l’événement périphérique, secondaire, qui ne doit pas structurer l’actualité.  Quelques cas font la une des sites et des journaux mais ne suscitent pas de débats de fond au sein de la société ou très rarement. Les éditorialistes, les hommes politiques, les leaders d’opinion ne s’attardent pas outre mesure sur ces faits-divers.

Pourtant au Sénégal, quelques “faits-divers” relayés dans la presse me semblent beaucoup plus intéressants à analyser, décortiquer, débattre que les incidents qui ont émaillé, par exemple, le début du Néméku Tour de Ousmane Sonko. Car certains “faits-divers”, mis en corrélation et regroupés, en disent beaucoup sur l’état d’une société.

À Matam, samedi dernier, un homme a logé une balle dans la tête de sa femme parce que celle-ci avait demandé le divorce.

Avant-hier, le corps sans vie de Fatou Samb, âgée de 16 ans, a été découvert en pleine brousse, non loin d’une piste reliant la commune de Dya à celle de Kaolack, entre les villages de Ndiockel Peulh et Diomkhèle. Si les circonstances du drame demeurent encore floues, une chose est constante : l’adolescente a été tuée et mutilée d’une façon particulièrement horrible.

. Cette dame, vivant à Guédiawaye, a reçu plus de dix coups de couteau de son mari parce qu’elle était sortie….sans son autorisation.

Ces trois affaires, qui ne sont que la partie visible de l’iceberg, montrent qu’il y a un réel problème de violences contre les femmes au Sénégal. Une violence endémique. Ce qu’elles illustrent, surtout, c’est l’indifférence quasi générale des autorités lorsque ces cas surviennent. Comme si au fond, ces crimes étaient anecdotiques.

À part quelques défenseurs des droits des femmes, notamment ceux regroupés au sein du Collectif des Féministes du Sénégal, il y a très peu de condamnations. Le Président de la République, les membres de son gouvernement, la nouvelle ministre de la Femme, qui ont parfois le tweet facile,  sont aux abonnés absents.

Quel contraste avec ce qui se passe en France, aux États-Unis ou dans d’autres démocraties lorsque de tels faits se produisent.

L’affaire Lola, qui agite actuellement le débat français, au-delà des récupérations xénophobes de l’extrême droite, a au moins le mérite de mettre le curseur sur les féminicides et autres agressions du quotidien dont sont victimes les femmes.

Au Sénégal, par contre, les femmes, dans leur malheur, sont non seulement victimes d’indifférence, mais même leur parole de victime est dépréciée, moquée, tournée en caprice.

Pourtant, l’on devrait s’arrêter un moment, faire notre introspection, se regarder dans le miroir après les propos chocs, par exemple, d’une Adji Thiaré Diaw sur notre justice, notre société et son mal-être en tant que femme dans une société sénégalaise qu’elle décrit comme foncièrement machiste.

Adama Gaye.

  • Le Titre est de la rédaction.
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