Affaire Pape Alé : La conduite lâche de Gadio ( Par Momar Dieng).
Cheikh Tidiane Gadio, le coup irrégulier dans le dos de son « frère et ami» Pape Alé Niang, en prison depuis le 9 novembre 2022.
Alors que Pape Alé Niang est en prison, Cheikh Tidiane Gadio a cru souhaitable de l’enfoncer à la tribune de l’Assemblée nationale, au détour d’un parallèle avec les ennuis judiciaires de Donald Trump. Selon l’ancien ministre des Affaires étrangères, qui se dit « personnellement très malheureux de ce qui est arrivé » à notre confrère en prison depuis le 9 novembre 2022, « il faut noter qu’aux Etats-Unis, ils sont sur le point de juger ou d’emprisonner leur ex-président Donald Trump parce qu’il a déplacé des documents confidentiels, des documents secrets défense et les a amenés dans un espace public. »
A ses yeux, « si les questions de secret d’Etat ne sont pas réglées, il n’y a plus d’Etat au Sénégal. » De nombreux médias ont rapporté les propos que voilà.
Il n’est pas certain que Pape Alé Niang, du fond de sa cellule de la prison de Sébikhotane, apprécie ce parallèle grotesque, vicieux et impertinent qui est établi entre lui et Donald Trump. Au moins trois considérations sont à relever par rapport aux certitudes de M. Cheikh Tidiane Gadio.
Primo. Les mots ayant leur sens, l’ex ministre semble nous dire que Pape Alé Niang a « déplacé des « documents confidentiels, des documents secret-défense » quelque part, un acte qui mettrait en danger l’Etat du Sénégal. Or, les documents concernant Trump –jusqu’à preuve du contraire – n’ont absolument rien à voir avec des messages radio de la police ou des sapeurs pompiers dans le contexte d’une « affaire privée » dont l’un des protagonistes allait être entendu par un juge d’instruction.
Secundo. Cheikh Tidiane Gadio soutient avec certitude que Donald Trump « a déplacé » des documents confidentiels et secret-défense « dans un espace public ». Il nous aurait plu qu’il précisât quel est cet « espace public » qui a accueilli les dits documents. Son propos est donc factuellement FAUX.
Ce que l’on savait jusqu’ici, c’est que le FBI a perquisitionné la résidence privée de Trump à Mar-a-Lago (Floride) le 8 août 2022 pour récupérer plusieurs boîtes de documents ayant les mentions « TOP SECRET » ou « CONFIDENTIEL ». Selon le Ministère de la Justice, Donald Trump n’aurait même pas dû emporter ces documents. Et après avoir quitté la Maison Blanche, il n’a pas daigné les rendre en dépit des demandes du FBI. Cela explique la descente spectaculaire menée à sa résidence privée. Un espace privé, ce n’est pas un espace public !
Tertio. Pape Alé Niang est un journaliste, Donald Trump ne l’est pas – sauf indication contraire. La tentative de comparaison est d’une absurdité sans nom car ces deux-là ne font pas le même métier. C’est une manipulation honteuse d’un contexte et d’une réalité qui n’ont absolument aucune sorte de lien avec l’embastillement autoritaire d’un confrère dont le travail éclabousse certaines forfaitures ici au Sénégal.
Convoquer donc les problèmes judiciaires de Donald Trump pour culpabiliser Pape Alé Niang est une démarche malhonnête qui ne fait pas honneur à son auteur. Le mémorandum rendu public par la Coordination des associations de presse du Sénégal (CAP) a démontré l’extrême abus de pouvoir dont l’Etat a fait preuve pour coffrer un journaliste dans l’exercice de sa profession. Vouloir coûte que coûte plaire au prince en attaquant aussi vilainement un homme privé de liberté relève de la lâcheté pure et simple. Après, on peut bien emprunter l’habit du bon samaritain pour aller quémander une « clémence ». Cela s’appelle hypocrisie.
Oui, Pape Alé Niang n’est pas enfermé dans une résidence privée sous surveillance de la police, bracelet électronique au pied, sans téléphone. Il est en prison ! Et ça, nous ne l’oublions pas.
Par Momar Dieng