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Seydina Limamou Laye : le Mahdi sénégalais (1843-1909)

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La confrérie Layene est née au sein de la société Lébou, de la presqu’Île du Cap-Vert. Communauté qui vit sur le territoire qui a cédé place à Dakar, les Lébou conservent dans la capitale sénégalaise une place particulière encore aujourd’hui, à travers leurs représentants traditionnels à commencer par le Grand Serigne de Dakar. Ces autorités apparaissent comme les garants de la conservation d’un certain héritage et d’une certaine culture, concurrencée par la croissance de la capitale sénégalais

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La confrérie Layène est née au sein de la société Lébou, de la presqu’Île du Cap-Vert. Communauté qui vit sur le territoire qui a cédé place à Dakar, les Lébous conservent dans la capitale sénégalaise une place particulière encore aujourd’hui, à travers leurs représentants traditionnels à commencer par le Grand Serigne de Dakar. Ces autorités apparaissent comme les garants de la conservation d’un certain héritage et d’une certaine culture, concurrencée par la croissance de la capitale sénégalaise. Pourtant, il est un phénomène relativement oublié dans cette société Lébou : dès la haute période coloniale et alors que Dakar est en pleine construction, les Lébous participent au grand mouvement confrérique d’Afrique de l’Ouest.

Limamou Thiaw Laye (1843-1909) est un pêcheur et agriculteur Lébou de Yoff. Le récit fondateur veut qu’en 1883, alors qu’une comète passe dans le ciel, il lance son appel : il se déclare l’envoyé de Dieu, le Mahdi. On lui prête cet appel : Adjibo dahiya laye ya marsaral ins wal djin ini raasouloulahi ileykoum (« Venez à l’appel de Dieu vous, hommes et djinns, je suis l’envoyé de Dieu. L’arabe blanc s’est noirci »). Limamou Thiaw a 40 ans, l’âge de la prophétie suivant certaines traditions musulmanes. Il se rebaptise Laye : une déformation d’Allah en wolof. De manière concomitante à la création de la Mouridiya et de la ville sainte de Touba, une autre confrérie d’origine sénégalaise voit ainsi le jour à l’heure des prémisses de l’AOF.

Aussitôt, une partie de l’entourage du prophète Lébou redoute une possession et pratique des rites exorcistes à son sujet. Son oncle lui-même est pris à parti est prié d’aller soigner la folie de son neveu. Limamou Thiaw, devenu Seydina Limamou Laye, participe de cette « révolution du jihad » qui a traversé et transformé l’Afrique de l’Ouest au XIXe siècle et dont les confréries ont été des acteurs essentiels. Laye prône un retour à un islam rigoureux. Il combat le culte des génies et autres dieux protecteurs au sein de la société Lébou. Malgré les violentes oppositions qu’il affronte, son enseignement connaît un évident succès à travers les miracles et guérisons qui lui sont attribuées. La combinaison de ces facteurs, autant des prédications que des guérisons, lui vaut de gagner rapidement de nombreux disciples au sein de la société Lébou. Des personnalités sénégalaises rejoignent la confrérie, à l’image d’Ababacar Mbaye Sylla, premier juge de Dakar, ou Abdoulaye Diallo et Ndkiké Wade, érudits reconnus venus de Saint-Louis.

Dès 1887, les autorités coloniales françaises s’inquiètent de ce phénomène (bien avant de s’en prendre à Cheikh Ahmadou Bamba, arrêté, jugé et exilé en 1895). Le pouvoir colonial craint que ses prédications ne provoquent des désordres aux portes de la capitale coloniale. Laye est isolé sur l’île de Gorée où il est assigné trois mois à résidence. À son retour, il se réinstalle à Yoff où il reprend ses prédications. Sur la fin de sa vie, Laye devenu aveugle ne perd rien de son énergie religieuse. Il meurt en 1909 : son mausolée est bâti à Yoff, face à la mer. On ne conserve de lui aucun portrait, malgré plusieurs tentatives auxquelles il s’est toujours refusé. À sa mort, il laisse un livre en six parties, connu sous le nom de Sermon. Illettré (comme Mahomet), il l’a dicté en wolof à ses disciples – au premier rang desquels Matar Lô – qui l’ont transcrit en wolof puis traduit en arabe.

La confrérie se caractérise par géographie initiale Lébou et le rôle de la famille du prophète. Le fils de Limamou Thiaw, Seydina-Issa Laye, devient le premier khalife de la confrérie Layène qu’il dirige 40 ans, de 1909 à 1949. Il poursuit le combat religieux de son père, s’opposant au gouvernement colonial autant qu’au système des castes, et lutte contre la culture religieuse des djinns. Son frère, Seydina-Madione Laye II lui succède de 1949 à 1971. Le petit-fils du prophète, Seydina-Issa Laye lui succède enfin de 1971 à 1987… date de son décès, un siècle après l’exil du prophète Laye.

Dans la presqu’île du Cap-Vert dans le dernier quart du XXe siècle, les Layenes possèdent une quinzaine de mosquées. D’autres membres de la confrérie sont installés à travers le Sénégal (Djolof, Saint-Louis et Gossas). La discipline autant que l’assistance fraternelle s’imposent comme un des traits distinctifs de la confrérie. Elle s’est également caractérisée par d’autres pratiques. C’est ainsi que, opposés au système des castes, ses membres s’appellent-ils du nom de Laye pour ne pas recourir à leur patronyme, porteur d’un système identitaire qu’ils refusent. Les Layenes sont également connus pour leur souci de propreté, aussi bien au sein physique que moral, prônant un islam « propre et sincère » qui refuse la souillure, à tous les sens du termes. C’est ainsi que les ablutions ne s’arrêtent pas aux chevilles mais remontent jusqu’aux genoux chez les Layenes. Les femmes occupent une place entière dans la confrérie : elles participent aux veillées de chants religieux, au même titre que les hommes. Enfin, les Layènes se caractérisent par le fait qu’ils décalent les horaires traditionnels de prières, afin de permettre de se préparer à la prière par des chants. Au total, le chant religieux occupe une place centrale dans la culture Layène. Le jour du 8e mois du calendrier musulman, les Layène célèbrent dans leur capitale de Yoff l’anniversaire de l’appel de Limamou Laye.

Trop souvent oubliée en dehors du Sénégal, la confrérie a fait l’objet de différents travaux depuis un demi-siècle. Le Centre de recherche et de documentation du Sénégal à Saint-Louis (CRDS) – aujourd’hui rattachée à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis – a depuis toujours accordé aux Layènes un intérêt à part égale face aux trois autres grandes confréries du Sénégal : la Mouridiya, la Tidjaniya ou la Qadriya. Les premiers travaux historiques ont été réalisés dans les années 1960-1970 par El Hadj Malick ben Mouhamadou Sarr, Cheikh Mahtar Lô, ou Assane Sylla. Entre les années 1990 et 2000, l’historiographie occidentale anglo-saxonne redécouvre la figure de Seydina Lamimou Laye.

 

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