4 avril : Enseignant et étudiant rendent hommage à nos Jàambaar

Recueillement supplique sur « Soldat » d’Omar Pène : Hommage à nos Jàambaar

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Pensées pieuses pour le capitane Mbaye Diagne, l’homme qui, durant le génocide rwandais, a osé regarder la mort en face, la prendre pour soi, afin sauver la vie des autres. Mbaye Diagne, le courage, l’abnégation, l’incarnation parfaite du Jàmbaar, soldat sénégalais impétueux, mais nanti d’une formation académique très enviée. Comment ne pas penser aux 93 Jàmbaar victimes d’un crash alors qu’ils défendaient la liberté dans le désert koweïtien ? Pensées pieuses aux 23 Jàmbaar tombés sur le champ de l’honneur le 25 juin 1995 entre Toubacouta et Bambonda. Respect et déférence aux anciens combattants qui ont défendu le mythe de la liberté alors que leur pays était encore sous domination coloniale.

Fentaakoon : Omar Pen

Woy wi : Soldat 

Maami soldat

Yaa ngi yor kurus di ñaan

Sa sët bi dem guerre di woorul

Ndax dina ñëw ?

Jabaru soldat

Yaa ngi toog di xaar

Sa jëkkër ji dem di woorul

Ndax moom dina ñëw ?

Doomi soldat

Yaa ngi laajte baay

Bi dem guerre di woorul

Ndax moom dina ñëw ?

Jabaru soldat

Fi nga toog di xaar

Sa jëkkër ji dem di woorul

Ndax moom dina ñëw ?

Jàmbaar ji soldat

Yaa ngi dem di xeex

Ngir sa nawle bi toog di xaar

Ndax moom dina ñëw ?

Jabaru soldat

Yaa ngi toog di wéet

Sa wéetaay di wéet

Di wéet a wéet

(Jaaraama soldat

On le tue mais

On ne le déshonore pas

Respect !) X 2

Seet naa seetee

Moom mi dem

Ak nawleem bi toog di xaar

Ndax moom dina ñëw ?

 

Seet naa seetee

Moom bi bàyyi doom

Di toog di xaar

Ndax moom dina ñëw ?

Maami soldat

Yaa ngi yor kurus di ñaan

Sa sët bi dem guerre di woor

Ndax dina ñëw ?

Jabaru soldat

Yaa ngi toog di wéet

Sa wéetaay di wéet

Di wéet a wéet

(Jaaraama soldat

On le tue mais

On ne le déshonore pas

Respect !) X 2

Grand panafricaniste, Omar Pène est avant tout un patriote, et sa chanson « Soldat », un autre chef-d’œuvre, est l’exaltation de cet amour qu’il a pour sa patrie et, par conséquent, pour ses symboles et piliers. Chanter l’armée nationale, c’est honorer la patrie, c’est exalter le courage et l’abnégation, formes ultimes du don de soi à la patrie. Qui d’entre nous n’a pas senti des frissons parcourir son corps en pensant à ces braves fils du Sénégal, toujours présents sur les théâtres d’opération avec la même détermination de servir leur pays, de hisser le drapeau de leur nation au firmament où cherchent à se bousculer toutes les nations civilisées ? Qui, étant jeune ou adulte, n’a pas rêvé de porter la tunique « treillis » militaire ? Qui n’a jamais senti devoir une dette incommensurable envers les soldats, ces veilleurs infatigables sur notre paix, notre sécurité et notre allégresse ?

Nous abusons parfois de la paix qu’ils nous garantissent à travers nos comportements et nos propos irresponsables ; nous dormons poings fermés tandis qu’ils sont au front, bravant les éléments de la nature et la mort, et veillant sur des millions d’âmes. Ils ont donné leur vie en gage pour que la nôtre soit sauve ; ils ont décidé de braver la mort pour nous assurer une vie paisible. En chantant « Soldat » Omar Pène se fait la voix de tous les patriotes, de tous les citoyens pour exprimer leur gratitude aux forces armées sénégalaises.

Ce chant dédié au courage et à l’abnégation de nos forces armées est, en prime, une invite à la réflexion sur l’absurdité et la fragilité de l’existence. Ils sont les enfants ou les petits-enfants de quelqu’un, le mari ou le neveu d’untel ; l’épouse ou le fils d’une femme vivant constamment l’angoisse de perdre une partie de son âme. Tous ces êtres qui languissent de l’absence d’un fils ou d’un proche savent que la vie de ce proche ne tient qu’à un fil ; que donc cette absence momentanée peut être définitive, que l’attente peut être plus longue que prévue. Quelle différence existe-t-il dès lors entre l’existence et la tragédie ? Un mauvais choix, une petite inadvertance, un accident, une embuscade de l’ennemi… et toute la terre retentit de la détresse des parents et amis.

Il faut être un artiste pour avoir les moyens de sonder le cœur et l’âme de ce grand-père qui, par l’étreinte pieuse de son chapelet, supplie le seigneur des mondes de veiller sur son petit-fils parti au front pour défendre la mère patrie. L’égrènement du chapelet de grand-père est la contrepartie métaphysique que ce dernier doit à ses petits-enfants veillant sur nos vies dans la nuit de l’incertitude des leurs. Chaque perle égrenée tombe dans cet anneau de perles en faisant un bruit qui semble, du moins dans l’inconscient de grand-père, conjurer le mauvais sort. La guerre est une absurdité née de l’absurdité de nos comportements : on n’est jamais sevré de la guerre et pourtant, c’est la machine à produire, de façon industrielle, cette autre absurdité que nous redoutons tant, à savoir la mort. Nous devons révérer nos soldats, ces hommes à double âme : une âme civile et une autre militaire.

Que dire de la compagne du combattant qui, comprimée entre la solitude et l’inquiète attente d’une âme sœur exilée au front et dont le retour est hypothétique, languit sans cesse ? Derrière tout soldat il y a finalement une soldate, car cette force mentale qui permet de rester fidèle à un homme exilé aux confins de la mort est un courage qui n’a rien à envier à celui du guerrier qui défie les balles ennemies au front. Mais ces guerriers ont également des enfants qui s’émeuvent de l’absence de leur papa. Quel mental, celui d’un soldat qui a tout ça dans le cœur et dans la tête sans jamais fléchir face à ses obligations ! Caresser chaque soir ses enfants, les voir dormir, passer quelques temps à jouer avec eux, à s’éprendre de leurs caprices, à les voir pousser et bafouiller : quelle chance pour un père !

Nous arrive-t-il souvent de penser aux enfants de nos vaillants soldats lorsque, chez nous, l’ambiance familiale nous fait oublier « l’inégalité » des chances ou des fortunes. Pendant ce temps, les enfants du soldat au front demandent à leur maman « quand est-ce que papa rentrera ? ». Les destins sont tellement différents et pourtant, nous avons le même langage pour exprimer nos vies, nos inquiétudes, nos malheurs, nos espoirs et échecs. Heureusement que nous avons l’art pour nous aider à suppléer aux insuffisances du langage ordinaire. Dans ce poème dédié aux forces armées sénégalaises « Jàmbaar », l’artiste Omar Pène faire parler les sentiments du soldat, il peint la vie parfois morne du Jàmbaar et en fait une vie plus expressive, bien rythmée avec des mélodies tellement suaves qu’on voudrait soi-même, en l’écoutant, être un soldat au front. Il y a toujours quelque chose de mystérieux dans la genèse d’une œuvre d’art : comment l’artiste parvient-il à faire preuve d’une précision si chirurgicale dans la traduction des sentiments d’autrui ?

A priori, l’intersubjectivité est postulée surtout dans la communication, mais comment savoir ce que vivent d’autres hommes, éloignés de notre vécu et situés dans un contexte différent ? Comment l’artiste arrive-il à deviner nos pensées les plus intimes, nos sentiments les plus personnels et à les exprimer avec autant d’exactitude ? Peut-être que nos émotions ne sont finalement qu’une façon parallèle de penser ! Le philosophe et le scientifique mobilisent toutes les forces de la raison discursive pour épier le réel dans ses moindres détails. L’artiste lui serait peut-être dans une démarche plus holistique : l’homme est dans une totalité cosmique d’abord, sociale ensuite, en dehors desquelles toute connaissance est lacunaire. L’artiste n’est pas un mage, mais il a le don de voir avec tout son corps. Sa connaissance de l’homme est donc forcément plus riche que celle à laquelle le scientifique peut prétendre.

Omar Pène nous invite implicitement, à travers cet hymne au courage du soldat, à cultiver la paix dans une dynamique culturelle, car la paix et la sécurité sont, de l’avis de chercheurs, l’effet d’une une construction sociale. Les dirigeants politiques des États désignent par exemple les autres États comme étant leurs amis ou leurs ennemis sur la base de leur perception de l’identité. Autrement dit, il s’agit d’une construction sociale relevant de facteurs sociaux, culturels et historiques. Il découle de ce qui précède que la guerre peine souvent à se justifier car elle se démarque totalement des valeurs qui concourent à la construction d’un monde de paix et de justice.

 

Par MM.

-Mustafa Gey, étudiant à la faculté de sciences juridiques et politiques l’UCAD 

-Alassane K. KITANE, enseignant

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