« Ngor : Les populations ont droit à un collège et à un lycée de proximité » | (Par Seydi Gassama)

A Ngor, un conflit foncier dont aurait bien pu se passer le pays dans le contexte de tension politique actuel, oppose la gendarmerie nationale et l’Etat du Sénégal à la population. Le conflit porte sur l’affectation d’un terrain de quelque 6300 mètres carrés, propriété de l’Etat du Sénégal suite à une expropriation de personnes privées opérée dans les années 1990 pour, selon des documents officiels dont nous avons pris connaissance, permettre une extension des habitations de Ngor. Les autorités municipales et la population veulent ériger un lycée sur le terrain alors que la gendarmerie nationale veut y construire une brigade pour répondre aux besoins de sécurité de la commune.
Il faut le rappeler, Ngor est une commune qui compte environ douze mille habitants, essentiellement concentrés dans le village traditionnel lébou. L’activité économique principale de Ngor reste la pêche. Les revenus issus de cette activité ne cessent de baisser à cause de la raréfaction du poisson dans les côtes sénégalaises du fait de la surpêche pratiquée par les bateaux étrangers qui bénéficient de licences de pêche octroyées par l’Etat.

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La population s’appauvrit donc, dans une commune qui est l’une des rares du Sénégal, peut-être la seule, à ne disposer d’aucun établissement d’enseignement secondaire publique, lycée ou collège. Après la fin de leurs études élémentaires, les enfants de la commune doivent aller étudier à Ouakam, à Yoff voire plus loin dans les lycées Ngalandou Diouf et Thierno Seydou Nourrou Tall. Le coût du transport des enfants vient éprouver encore plus les personnes appauvries par la raréfaction des ressources halieutiques.

La déscolarisation des enfants issues des familles les plus démunies hantent le sommeil des autorités municipales et du mouvement associatif du village. La construction d’un lycée et d’un collège devient un impératif pour la commune.

Le terrain convoité par la gendarmerie constitue la seule réserve foncière suffisamment grande pour accueillir un lycée et un collège. L’Etat tient à y ériger une brigade de gendarmerie et proposerait deux terrains non jumelés de 2000 mètres carrés chacun dans le site de l’ancien aéroport de Yoff pour construire le lycée. En plus d’être éloignés du village traditionnel, ces deux terrains non jumelés ne sont pas adaptés pour construire un lycée.

Le bon sens voudrait donc que la brigade de gendarmerie soit érigée sur le site de l’ancien aéroport et que le terrain objet du présent conflit soit réservé au lycée. Pour combattre efficacement la criminalité, il faut s’attaquer à ses causes que sont la pauvreté, le chômage et le sous-emploi des jeunes, non pas seulement à ses effets. L’éducation et la formation constituent les moyens les plus efficaces pour lutter contre les causes profondes de la criminalité.

Dans les pays où l’éducation et la formation sont privilégiées et accessibles à tous, la criminalité est très faible et les autorités ferment des prisons et affectent leurs locaux aux infrastructures sociales. Mais le bon sens est la chose la moins bien partagée dans le Sénégal d’aujourd’hui.

En outre, les autorités ne semblent concevoir le dialogue qu’avec les partis politiques. Avec les citoyens et les communautés, la répression semble être l’option privilégiée. « Force doit rester à la loi », répète-t-on à tout vent. Mais dans un Etat démocratique, la loi doit être appliquée de façon intelligente, pour le bien de la population.

Une amorce de dialogue a eu lieu, avec cette audience accordée par le Président Macky Sall aux autorités municipales et coutumières à l’issue de laquelle il a décidé de couper la poire en deux en affectant une moitié du terrain à la gendarmerie et d’autre moitié à la commune. Cette solution à le défaut de ne pas régler le problème que constitue un besoin urgent d’un lycée et d’un collège de proximité pour les enfants du village.

La bonne solution reste à notre avis et pour la jeunesse Ngoroise la construction d’un lycée sur ce site et l’érection de la brigade de gendarmerie sur les terrains situés dans l’ancien aéroport Léopold Sédar Senghor. Le haut commandement de la gendarmerie nationale devrait agréer cette solution qui préserve les intérêts des populations de Ngor et favorise une bonne cohabitation entre la population et la future brigade.

Nous dénonçons enfin l’usage excessif de la force par la gendarmerie nationale dans la gestion de cette protestation. Au moins deux personnes sont décédées lors de ces manifestations : une fillette de 15 ans du nom d’Adja Diallo et un vigile qui aurait été pris pour cible par des manifestants, selon un communiqué du parquet de Dakar.

Plusieurs personnes ont été également blessées lors des affrontements et une dizaine de personnes interpellées ont été placées sous mandat de dépôt selon un avocat. Une enquête doit être ouverte pour faire la lumière sur ces actes de violence et traduire leurs auteurs en justice dans le cadre d’un procès équitable.

L’impunité pour les actes de violence commis lors des manifestations doit cesser. L’impunité nourrit la violence et favorise la défiance des citoyens à l’égard des forces de sécurité. Elle érode la confiance en la justice. Elle met en danger la stabilité du pays.

Seydi Gassama
Directeur Exécutif
Amnesty International Sénégal
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