[Statut spécial de Touba 3/3] Touba et le Vatican : autonomie religieuse et actions communautaires

Comme le veut la tradition avant la célébration de la Tabaski, le khalife des Baye Fall a offert, le 26 juin dernier, 1120 moutons au khalife général des mourides. Outre cet aspect symbolique, la rencontre a été marquée par la déclaration de Serigne Mountakha Mbacké, exprimant son souhait de voir Touba jouir de son « indépendance » au même titre que le Vatican. Il a également souligné que, de toute façon, « la ville se dirige dans cette direction ». Dans cet article, Seneweb propose quelques similitudes entre ces deux lieux saints.

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L’autonomie religieuse à Touba se manifeste de plusieurs manières. Tout d’abord, les mourides ont le pouvoir de développer et de suivre leurs propres codes de conduite. Ces codes vont au-delà des obligations islamiques de base et englobent des aspects spécifiques tels que la solidarité communautaire, l’entraide et le travail acharné. La notion de « travail » est centrale pour les mourides, et leur engagement envers celui-ci est considéré comme un acte de dévotion envers Dieu. Ainsi, l’autonomie religieuse leur permet de créer un équilibre unique entre leur foi et leur engagement dans des activités économiques.

En outre, cette autonomie se reflète dans la manière dont la confrérie mouride gère ses propres affaires internes. La ville de Touba est un exemple remarquable d’autogestion religieuse. Les mourides ont construit leur propre infrastructure, y compris des mosquées, des écoles, des hôpitaux et des centres de formation professionnelle. On peut notamment citer la Grande mosquée de Massalikoul Djinane, l’Université Cheikh Ahmadou Bamba et prochainement, le complexe international Khadim Rassoul de France (CIKR). Cette infrastructure indépendante renforce le sentiment de communauté parmi les mourides et permet de mettre en pratique leurs valeurs et leurs croyances de manière concrète.

Le « Ndigel » du Khalife et la parole du Pape

Tout comme le Pape exerce une influence morale et spirituelle sur les fidèles catholiques à travers le monde, le Khalife général des mourides occupe une place similaire au sein de la communauté mouride. Les ordres et recommandations émanant de ces figures religieuses guident et influencent les croyants, déterminant souvent leurs actions, leurs décisions et leurs interactions avec les autres membres de la communauté.

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L’une des caractéristiques marquantes de la confrérie mouride est la notion de « Ndigel ». Ce terme évoque un ordre ou une recommandation émise par le Khalife général des mourides. C’est un appel à l’action, une directive qui engage les fidèles à agir d’une certaine manière. Cette similitude avec les messages et les enseignements du Pape est indéniable. Lorsque le Pape parle, que ce soit lors de ses discours, homélies ou encycliques, les catholiques à travers le monde écoutent attentivement, interprètent ses paroles et les intègrent dans leur vie quotidienne.

Toutefois, il est important de noter que ces deux figures religieuses opèrent dans des contextes différents et avec des cultures et des traditions distinctes. Les enseignements et les appels du Pape sont profondément enracinés dans la doctrine catholique et influencent les pratiques spirituelles et éthiques des fidèles. De même, les « Ndigeuls » du Khalife général des mourides s’inscrivent dans le cadre de la confrérie mouride, guidant les actions des fidèles conformément aux valeurs de la confrérie et de l’islam.

Préservation des traditions et des valeurs religieuses

Le maintien des traditions occupe une place prépondérante à Touba et au Vatican. À Touba, chaque année, des millions de fidèles convergent vers la Grande Mosquée pour célébrer le Magal, une manifestation religieuse majeure qui commémore le départ en exil du fondateur de la confrérie. Cette célébration est l’occasion de renforcer les liens spirituels et culturels entre les adeptes mourides. De manière parallèle, le Vatican accueille des pèlerins et des fidèles du monde entier pour des événements tels que les messes papales et les cérémonies liturgiques. Ces rassemblements offrent une plateforme pour la transmission de la foi et des valeurs chrétiennes, tout en maintenant une continuité avec les pratiques anciennes.

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La préservation de la culture et des valeurs religieuses est une caractéristique essentielle à la fois pour Touba et le Vatican. À Touba, la confrérie mouride insiste sur la solidarité, la générosité envers les plus démunis et la discipline spirituelle. Ces valeurs sont transmises de génération en génération à travers les enseignements des guides religieux. De manière analogue, le Vatican met en avant des valeurs telles que la charité, la miséricorde et la paix. L’Église catholique travaille inlassablement pour incarner ces principes à travers des initiatives humanitaires et des programmes de sensibilisation.

La dimension architecturale joue également un rôle significatif dans la préservation des traditions à Touba et au Vatican. À Touba, la Grande Mosquée, un chef-d’œuvre architectural, symbolise la centralité de la foi mouride. Les minarets et les dômes ornés de motifs complexes rappellent l’histoire et les enseignements de la confrérie. De même, la Basilique Saint-Pierre au Vatican, avec sa grandeur majestueuse et son riche héritage artistique, est un témoignage visuel de l’importance du catholicisme. Ces structures emblématiques incarnent l’histoire et la spiritualité de leurs traditions respectives.

Le Hadiya chez les Mourides et le Denier de Saint-Pierre : deux formes de soutien spirituel et financier

Dans le domaine de la spiritualité, des liens profonds se tissent entre les disciples et leurs guides spirituels à travers le monde. Une de ces connexions est illustrée par la tradition du « Hadiya » chez les Mourides et le « Denier de Saint-Pierre », une contribution volontaire des fidèles à la papauté dans l’Église catholique romaine. Bien que ces deux pratiques religieuses semblent distinctes à première vue, un examen plus approfondi révèle des similitudes frappantes dans leur essence et leur objectif.

Le Hadiya, mot arabe signifiant don ou cadeau pieux, occupe une place importante dans la relation entre le disciple et son maître spirituel au sein de la confrérie mouride. Tout comme le Denier de Saint-Pierre, il s’agit d’une offrande destinée à soutenir la cause spirituelle et à maintenir les enseignements du guide religieux. Comme l’indique ce verset du Coran : « Dieu s’est fait céder par les croyants leurs vies et leurs biens en contrepartie du Paradis » (S9V111).

Dans son ouvrage « Nahju Qadâil Hâj », Cheikh Ahmadou Bamba, figure éminente de la confrérie mouride, exhorte les fidèles à ne pas cesser de combler leur maître spirituel de dons, aussi modestes soient-ils. Cette pratique, loin d’être un simple acte de générosité, est considérée comme une expression d’affection envers celui qui guide sur le chemin de la foi. Cette idée est reflétée dans les paroles de Serigne Touba : « Ne cesse de le combler de dons, dans la mesure de ton possible / Si modiques soient-ils, pour te conformer à ce qui est transmis, à savoir que cela augmente l’affection de celui qui aime » (La Voie de la satisfaction des besoins vers 198, vers 201)

Une similitude frappante entre le Hadiya et le Denier de Saint-Pierre réside dans leur but ultime : soutenir les œuvres spirituelles et charitables. Alors que le Hadiya chez les Mourides alimente les projets religieux et sociaux de la confrérie, le Denier de Saint-Pierre offre un soutien financier crucial à la papauté pour faire face aux défis économiques et représente le plus gros pourcentage de ses recettes. Historiquement, le Denier de Saint-Pierre a évolué pour devenir une contribution volontaire des fidèles en réponse aux besoins financiers du Saint-Siège, tout comme le Hadiya chez les Mourides vise à garantir la continuité des enseignements spirituels et des activités charitables. A Touba, la structure chargée de collecter ces fonds se nomme Touba Ça Kanam. Elle a pour ambition de faire de Touba l’une des cités les plus attrayantes au monde en investissant dans plusieurs secteurs d’activités dont le social.

En fin de compte, que ce soit à Touba sous l’autorité du Khalife général des mourides ou au Vatican sous la parole du Pape, il est clair que les figures religieuses jouent un rôle vital dans la préservation de la cohésion communautaire. Leurs enseignements et directives ont le pouvoir d’unifier des individus venant de divers horizons, les guidant vers des valeurs partagées et un objectif commun. Dans un monde marqué par la diversité et la complexité, ces guides spirituels sont des phares qui éclairent le chemin vers une harmonie collective et un engagement solidaire.

Avec Seneweb
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