La direction générale des élections (DGE) n’en finit pas de faire parler d’elle après qu’elle a refusé, une nouvelle fois, d’exécuter la décision du juge du tribunal hors classe de Dakar favorable à Ousmane Sonko. Une énième défiance qui dévoile, selon Maurice Soudieck Dione, les tares d’une administration électorale aux ordres du pouvoir en place.
Invité de l’émission Objection de Sud Fm, le Pr agrégé en sciences politiques à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, a passé à la loupe les dysfonctionnements qui font obstacles à l’indépendance des différents organes en charge de l’organisation et du contrôle des élections.
« Les organes de régulation en réalité, ce sont des autorités administratives indépendantes. C’est-à-dire une catégorie sui generis qui est un peu sortie des dispositifs hiérarchiques de l’administration classique comme la CENA et le CNRA. Elles devraient avoir une autorité, une indépendance qui devraient leur permettre de réguler efficacement les secteurs à eux confiés. Malheureusement, on se rend compte qu’il y a des tentatives de contrôle du pouvoir en place qui posent naturellement problème », analyse-t-il d’emblée.
S’agissant spécifiquement de la CENA, le premier obstacle, à en croire le Pr Dione, c’est que « son budget est rattaché au ministère de l’Intérieur qu’elle est censée contrôler ». Ce qui pose « un problème », estime-t-il. Les garanties d’indépendance au sein de cette commission autonome sont dévoyées par les conditions de nomination de ses membres et leur mandat. « On laisse des retraités en place -dont le mandat est arrivé à échéance-, on les maintient illégalement. Comment voulez-vous qu’il soient indépendants ? Ce sont des manœuvres et manipulations politiciennes qui remettent en cause l’autorité et l’efficacité des organes de régulation », dénonce Maurice Soudieck Dio’z.
Daf, DGE-Pouvoir, une connivence coupable
Pour ce qui est de la DGE, le professeur Dione rappelle à Thiendella Fall et ses hommes que « le rôle de l’administration n’est pas de fausser l’expression de la souveraineté populaire en favorisant le rejet des listes de l’opposition ou l’exclusion de candidat ». « Il y a effectivement des difficultés dans cette administration. L’Onel (que la CENA a remplacé en 2005) a été créé parce qu’effectivement on avait constaté qu’il y avait une connivence, une complicité démocratiquement problématique entre l’administration et le parti au pouvoir. Donc si au bout du compte ces organes de régulations qui sont nés dans un contexte précis, sont manœuvrés et téléguidés pour ensuite être complètement dévoyés, cela nous renvoie à la situation qu’on avait voulu régler », regrette-t-il.
Convaincu que la démocratie repose sur le principe de la souveraineté populaire, Pr Dione n’arrive pas à comprendre que l’administration s’échine avec ardeur à faire rejeter une candidature. Et ceci, allant jusqu’à se pourvoir en cassation dans une affaire électorale. « Je vais remonter un peu avec ce qui s’est passé lors des élections locales de 2022. On a vu des autorités administratives se pourvoir en cassation pour que les listes de l’opposition soient annulées. Or, en droit : pas d’intérêt, pas d’action. Donc quel est l’intérêt de l’administration pour que les listes de l’opposition soient rejetées ? », s’interroge-t-il.
C’est la même question qui lui vient à l’esprit analysant le cas Ousmane Sonko dont la radiation des listes électorales a été annulée par deux tribunaux. « La légalité sans la légitimité est une coquille vide, même si la légitimité sans la légalité est hors la loi. En démocratie on doit faire primer la volonté populaire. C’est pourquoi le conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi, il n’apprécie pas les irrégularités et illégalités in abstracto (dans abstrait) mais in concreto (dans le concret). C’est-à-dire compte tenu des circonstances de l’espèce. En d’autres termes il ne procède pas à des annulations systématiques mais il cherche à reconstituer à postériori la volonté du corps électoral », conclut-il.
Source: Seneweb
Publicité