Dans une tribune au ton ferme, Moussa Diakhaté, président du mouvement Nouvel Élan Libéral (NEL Ngir Sénégal Bi Gën), s’élève contre les propos du président Bassirou Diomaye Faye appelant les citoyens à « demander des comptes » à la justice. Selon lui, ces déclarations fragilisent l’État de droit, remettent en cause l’indépendance du pouvoir judiciaire, et exposent les magistrats à des pressions dangereuses. Il appelle à une réforme sereine de la justice, loin de toute instrumentalisation politique.
*Appel à la pression sur les magistrats : l’Ordonnance de renvoi du Président de la République devant le peuple.*
Les récentes déclarations du Président de la République du Sénégal, appelant les citoyens à exercer une pression sur les magistrats, constituent une atteinte d’une gravité extrême aux principes fondamentaux de l’État de droit. Lorsqu’un tel appel émane du sommet de l’exécutif, il ne peut être interprété que comme une remise en cause directe de l’indépendance du pouvoir judiciaire – un fondement non négociable de toute démocratie moderne.
1. *Une violation flagrante de la séparation des pouvoirs*
*L’article 88 de la Constitution* sénégalaise consacre sans équivoque l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport à l’exécutif. Appeler publiquement à ce que les juges soient soumis à une pression populaire revient à piétiner cette séparation des pouvoirs, qui est le socle de l’équilibre institutionnel de la République. Ce n’est pas seulement une entorse juridique ; c’est une attaque politique contre l’institution judiciaire.
En outre, la loi organique n° 2017-09 relative au Conseil supérieur de la magistrature, qui encadre l’organisation et le fonctionnement de la magistrature, consacre les garanties statutaires essentielles à la neutralité et à l’impartialité des juges. En incitant les citoyens à « demander des comptes » aux magistrats, le chef de l’État s’exonère de ces garanties et fragilise l’autorité judiciaire dans son essence même.
2. *Une posture contraire aux engagements internationaux du Sénégal*
Le Sénégal n’est pas une île juridique. Il est signataire de plusieurs instruments internationaux qui protègent l’indépendance des juges :
Les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature adoptés par l’ONU en 1985 interdisent explicitement toute forme de pression, qu’elle soit directe ou indirecte, sur les magistrats dans l’exercice de leurs fonctions.
La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (article 7) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ( *article 14) garantissent le droit de tout justiciable à un procès équitable devant un tribunal impartial et indépendant.*
En faisant peser une menace implicite sur les juges, le Président de la République rompt avec l’esprit de ces engagements et envoie un signal dangereux, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.
3. *Une fracture institutionnelle inquiétante : le contre-pied face au ministre de la Justice*
Ce qui aggrave encore davantage la situation, c’est que cette déclaration présidentielle intervient en opposition publique au ministre de la Justice, censé être le garant de la politique judiciaire du gouvernement. En prenant ses distances de manière aussi brutale, le Président brouille les repères et expose la justice à une forme de chaos institutionnel.
Un tel désaveu fragilise non seulement la cohérence de l’exécutif, mais alimente aussi la défiance du public envers l’appareil judiciaire, déjà mis à rude épreuve par diverses polémiques ces dernières années.
4. *Réformer la justice ? Oui. Mais certainement pas par la pression.*
Il ne fait aucun doute que la justice sénégalaise mérite d’être réformée : elle doit être plus accessible, plus efficace, plus indépendante. Mais ces réformes doivent venir d’un processus inclusif, respectueux des institutions, et non d’un climat de défiance et de pression populaire téléguidée.
Une justice soumise à la rue devient une justice instable, exposée à l’arbitraire, incapable de trancher sereinement. Ce n’est pas ainsi que l’on construit un État de droit : c’est ainsi qu’on le détruit.
5. *Quand les propos du Président deviennent une mise en danger des magistrats*
Ces propos peuvent être interprétés comme un feu vert donné aux militants politiques pour défier l’autorité judiciaire. En appelant à * »demander des comptes »* aux juges, le Président expose ceux-ci à des représailles verbales, médiatiques, voire physiques. Des manifestations, des interpellations abusives, des intimidations sur les réseaux sociaux ou dans la rue peuvent désormais s’abriter derrière cette déclaration.
C’est jeter les juges en pâture. C’est les désigner comme des cibles. Et c’est, à terme, compromettre gravement leur sécurité, leur sérénité et leur autorité. l’indépendance judiciaire n’est pas un luxe, c’est un impératif démocratique.
Il revient à chaque citoyen, chaque acteur institutionnel, chaque professionnel du droit, de s’opposer fermement à toute tentative de pression sur le pouvoir judiciaire. Car lorsque les juges ne sont plus libres, personne n’est à l’abri de l’injustice.
La justice a besoin de réformes, de moyens, de respect – pas de pression, ni de peur.
Et c’est au plus haut sommet de l’État de donner l’exemple.
*HONORABLE MOUSSA DIAKHATE PRÉSIDENT NOUVEL ÉLAN LIBÉRAL – NEL NGIR SÉNÉGAL BI GËN*